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Nous entendons souvent parler de « l’enseignement de Bouddha », mais savons-nous vraiment de quoi il est question ? Ce texte condense les notions essentielles du dhamma et en présente sa signification, ainsi que son but en quelques lignes…
Avant tout, sachons bien que l’enseignement de ce moine Gotama (alias Bouddha) est totalement contradictoire avec tous nos fantasmes spirituels et qu’il n’est pas toujours plaisant à entendre. Il faut savoir ce que nous voulons ; les médicaments efficaces ont-ils toujours un goût agréable ?
En tout cas, le dhamma est une chose totalement incolore, inodore, dépourvue de goût, insonore et intactile.
L’enseignement de Bouddha n’a qu’un seul but et la totalité de ce qui le constitue ne sont que des éléments qui contribuent à cela : amener chacun au but ultime en l’incitant à faire ce qu’il faut pour qu’il comprenne par lui-même les bénéfices de cette voie et en lui expliquant comment s’y prendre.
Le but ultime est appelé en pali : nibbāna. Puisque Bouddha a exprimé son enseignement en pali, employons ce dialecte, dont les mots ont parfois des définitions très différentes des mots sanskrits qui sont censés leur correspondre. Par exemple, le mot « nirvâna » a la définition que d’autres écoles lui donnent, qui est en contradiction avec le mot nibbāna.
Tout ce qui est connu sous le nom de « bouddhisme » aujourd’hui, n’est qu’une gigantesque salade dans laquelle chacun y ajoute ses ingrédients. Cela à tel point que l’on finit par oublier complètement ce qu’il faut faire pour obtenir la fin définitive de toute souffrance, la compréhension de la réalité, la paix ou pire encore : on ne sait même pas qu’il y a quelque chose à accomplir. Voici quatre questions que tout le monde peut se poser :
Répondre à ces questions est LA raison d’être de l’enseignement de Bouddha.
Dans la grande salade du bouddhisme et des religions, il y a des prétendu grands maîtres qui affirmeront que pour réussir la salade parfaite, il faut mettre un maximum de tomates. Alors, leurs disciples s’efforceront de mettre le plus de tomates possible dans leur salade, sans vraiment savoir pourquoi ils le font. D’ailleurs, le maître en question ne le sait pas lui-même. Afin de concocter la salade parfaite, pour d’autres, ce sera sur les olives et les oignons qu’il faudra forcer la dose. Pour d’autres encore, il s’agira d’insérer dans le saladier tout ce qu’il est possible d’y mettre. D’autres en revanche, insisteront sur l’importance d’y déposer le minimum d’aliments pour en favoriser la qualité. Tandis qu’un autre expliquera que la salade parfaite s’obtient en y mettant la totalité des ingrédients en quantité parfaitement équitable.
Cependant, selon Bouddha, le contenu de la salade est… sans la moindre importance. La seule chose qui compte est de la connaître, en l’observant attentivement, pour savoir et comprendre de quoi elle est faite, quelle qu’elle soit. Peu importe si elle est petite, copieuse, fraîche, flétrie, douce, épicée, variée, fade, légère, grasse… Il n’y a pas de salade parfaite : c’est seulement la capacité à gérer tout ce qu’elle peut apporter, qui peut l’être plus ou moins. La meilleure chose que nous ayons à faire, c’est de travailler avec ce dont nous disposons, sans chercher à vouloir sans cesse tout modifier. Celui qui tourne en rond, s’il accélère le pas, s’il change de sens ou s’il transforme son apparence, il continuera toujours de tourner en rond. Comprenons bien que ce n’est pas en ajoutant des feuilles de laitue pour cacher des ingrédients qui nous déplaisent que le problème peut être résolu.
Celui qui pense mener une existence sans dukkha n’a pas besoin de l’enseignement de Bouddha. dukkha, c’est l’ensemble de toutes les souffrances qui sont expérimentées dans la vie : ses imperfections, ses insatisfactions continuelles, ses difficultés, ses tourments, sa non substantialité. Celui qui n’a pas besoin de l’enseignement de Bouddha est celui qui croit ne pas en avoir besoin car il mène une existence qui lui convient, savoureuse et sans ennui.
De plus, il n’a pas conscience que la vie qu’il mène, aussi agréable soit-elle, a comme toute chose, une durée limitée. Cette période joyeuse qu’il vit, aussi longue soit-elle, prendra nécessairement fin un jour ou l’autre. Cependant il est tellement attaché à la jouissance qu’il peut éprouver qu’il préférera ignorer la réalité et savoir de quoi elle est vraiment faite.
Il n’a pas conscience que la jouissance n’est rien d’autre que le fruit d’actions positives faites il y a plus ou moins longtemps. Ainsi, il ne sait nullement quelles conséquences douloureuses il pourra subir dans cette vie ou dans une prochaine. Hormis les arahant (ceux qui ont atteint le détachement total et par conséquent éliminé toutes les impuretés du mental), personne ne peut véritablement savoir ce qui l’attend après cette vie présente, quelles que soient ses croyances. Qui ne peut-il être d’accord avec cela ?
L’enseignement de Bouddha, même si les hommes en on fait toute une religion, ne consiste pas à faire des rituels, des cérémonies ou des récitations de prières. Il est simplement une méthode destinée à éliminer les kilesā qui sont les impuretés de notre mental. Ces impuretés sont la racine de toute souffrance que nous pouvons rencontrer dans la vie. Cette méthode, qui est aussi un mode de vie, peut être appliquée par n’importe qui, quelles que soient ses croyances, ses convictions, sa culture, son éducation, ses principes ou ses idées.
Pour pratiquer convenablement l’enseignement de Bouddha et obtenir des résultats concrets sur la voie qui mène à la cessation de dukkha, il est important et nécessaire de l’appliquer avec une compréhension intelligente. Il ne convient pas de le faire avec l’idée d’un exercice mystique qui apporterait du bonheur comme par magie ou seulement parce qu’on le pratique dans sa famille ou dans son pays. La motivation ne doit pas non plus être causée par la lecture de belles histoires qui en parlent de manière attrayante. Pour effectuer une pratique bénéfique, il faut comprendre pourquoi on le fait et comment le faire.
S’il fallait résumer en une phrase la pratique menant à la cessation de dukkha, enseignée par Bouddha, ce serait par exemple : « porter son attention de manière vigilante sur toutes les sensations telles que nous les percevons ; et ce, de façon à les connaître pour ce qu’elles sont réellement ». C’est le fait de connaître en profondeur ce qui constitue l’ensemble de nos perceptions du monde qui met un terme à l’ignorance qui est à l’origine de toute souffrance. Voici plus de détails…
Dans le tout premier sermon qu’il a prêché à ses cinq premiers disciples, Bouddha nous expose les quatre Nobles Vérités, qui constituent la base de tout son enseignement. À savoir : la Noble Vérité de dukkha ; la Noble Vérité de l’apparition de dukkha ; la Noble Vérité de la cessation de dukkha ; et la Noble Vérité de la voie qui mène à la cessation de dukkha.
Dans la première Noble Vérité, est présenté dukkha ; le caractère insatisfaisant, instable et pénible de la vie. La jouissance est une souffrance. Non seulement car elle correspond à la juste mesure de la peine qu’il a fallu pour y parvenir, mais aussi parce qu’elle est elle-même beaucoup plus pernicieuse du fait qu’elle prend une apparence agréable.
La jouissance est un peu comme un abri dans lequel nous aimons bien se réfugier afin de fuir momentanément tous les désagréments qui remplissent notre vie sans répit. Nous pouvons finalement dire que la jouissance est un soulagement. Un peu comme l’apaisement que l’on peut éprouver en soupirant après avoir traversé une période difficile.
On croit que le plaisir apporte le bonheur parce qu’on n’a jamais connu autre chose que cette forme de bonheur là. Le prisonnier qui est enfermé dans sa cellule depuis de longues années finit par s’en faire une raison, à s’y habituer, à s’y accoutumer. La vie n’est qu’une route qui s’étend perpétuellement dans le désert et au bord de laquelle des panneaux très colorés indiquent des paradis de rêve soi disant desservis par cette route. Ces paradis n’ont d’existence que dans les pensées des voyageurs et de ceux qui ont planté les panneaux.
Nous sommes tellement plongés dans la souffrance que nous ne la voyons même plus ! C’est seulement lorsqu’on commence à véritablement prendre conscience de cela par soi-même que l’on peut avancer sur la voie de la libération. En pratiquant la plongée sous-marine on peut apercevoir des poissons, des algues et des rochers… mais on ne voit pas l’eau. Paradoxalement, ce n’est que lorsqu’il y a des bulles d’air qui apparaissent que l’on peut voir clairement qu’il y a de l’eau.
Pour expliquer que la jouissance n’est qu’une forme de soulagement, prenons l’image d’un enfant qui sera resté seul à la maison toute une journée. Le soir venu, lorsque ses parents rentreront, il leur sautera dans les bras en criant pour manifester sa joie. Tandis que ce même enfant, s’il avait passé la journée en présence de ses parents, n’aurait jamais, le soir venu, subitement éprouvé le besoin de bondir à leur cou en poussant des cris de joie. Cela explique que l’euphorie éprouvée par cet enfant en retrouvant ses parents, correspond à la juste mesure de la souffrance que l’absence de ces derniers lui aura causée.
Ce schéma s’applique de manière plus ou moins subtile à toutes les formes de plaisir et de satisfaction qu’il est possible de connaître. Le sage qui expérimente une vie de détachement et de paix n’éprouvera aucunement le besoin de jouissance qui, n’apparaîtrait pour lui que comme quelque chose de pesant et d’encombrant.
C’est l’apparition de dukkha. Ce qui est à l’origine de la souffrance (qui produit la ré-existence) est taṇha. Le taṇha, c’est la soif, le désir, l’avidité qui cherche sans cesse une nouvelle jouissance. C’est précisément cette soif, ce désir et cette avidité du plaisir des sens qui, en se manifestant de manières variées, donnent naissance à toutes les formes de la souffrance.
Dans la troisième Noble Vérité, la cessation de dukkha est nibbāna, c’est-à-dire la fin de la souffrance. Il est toujours délicat de parler de nibbāna, car le fait de vouloir l’expliquer ou le comprendre d’un point de vue théorique risque le plus souvent de compliquer la question plutôt que de l’élucider. Le plus important est d’observer la réalité que nous percevons à chaque instant, par la pratique de l’attention, de la vigilance et de la concentration sans se poser de questions. Ce sont précisément ces innombrables questions que nous nous posons sans cesse qui nous empêchent de progresser sur la voie de la compréhension. Le langage sert à exprimer ce que nous percevons par nos six sens. L’expérience de la réalité absolue est au-delà de tout concept et à plus forte raison des mots. Il serait donc vain de tenter de donner une idée juste de ce qu’est nibbāna.
Pour un poisson, il est totalement inconcevable qu’un homme puisse faire autre chose que nager et vivre sous l’eau. Cela signifie que toutes les idées que nous pouvons nous faire sur ce que nous ne connaissons pas ne peuvent pas être constituées d’autres choses que d’éléments de ce que nous connaissons déjà. Prenons un autre exemple : une personne née aveugle à qui l’on explique que la vue permet de connaître la forme d’un objet sans le toucher, ne pourra pas s’empêcher de s’imaginer que quelque chose tâtonnera cet objet d’une manière ou d’une autre. S’il retrouvait la vue, ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il prendrait conscience de ce que c’est que d’être aveugle. Il est intéressant de remarquer que si quelqu’un rendait visite à une tribu isolée d’aveugles pour leur parler de la vue, il serait pris pour un fou !
Néanmoins, on peut dire que nibbāna, c’est la cessation complète de taṇha ou de l’avidité ; que c’est l’extinction du désir, l’extinction de la haine, l’extinction de l’illusion. Pendant que nibbāna est expérimenté, aucune conscience ni physique ni mentale n’apparaît et, dès ce moment-là, des impuretés (kilesā) sont irrémédiablement éliminées. Celui qui a réalisé le détachement total est libéré de tous les tracas, difficultés et problèmes qui tourmentent les autres. Sa santé mentale est parfaite. Il ne se préoccupe ni du passé, ni de l’avenir qui n’ont pas de raison d’être étant donné qu’ils ne sont conditionnés que par les pensées. Il vit dans l’instant présent. Il rend service aux autres de la manière la plus pure car il n’a pas de pensée pour lui-même, il ne recherche aucun gain : il est libéré de toute impureté. Une fois, le Vénérable Sāriputtarā, un des principaux disciples de Bouddha, dit à Udāyī : « Oh ami ! nibbāna c’est le bonheur ! » Udāyī lui demande alors : « Mais comment cela peut-il être puisqu’il n’y a pas de sensations ? » Le Vénérable Sāriputtarā répond : « Qu’il n’y ait pas de sensations, cela même est le bonheur ! »
C’est la voie qui mène à la cessation de dukkha, que l’on appelle aussi la voie de la juste modération. Cette voie se résume de façon complète dans ce qui est couramment appelé le chemin octuple, qui est l’ensemble des huit facteurs nécessaires pour aboutir à nibbāna. Elle évite deux extrêmes : la recherche du plaisir des sens, de la richesse et du pouvoir d’une part et le dépouillement forcé, la mortification ou l’ascétisme excessif d’autre part : ces deux étant douloureuses et sans profit.
Avoir une bonne compréhension des quatre nobles vérités, des trois caractéristiques de l’univers, que l’on nomme : anicca : le caractère non permanent des choses, dukkha : le caractère insatisfaisant des choses, et anatta : le caractère dépourvu d’existence propre des choses.
C’est avoir une pensée libre de jalousie, de mauvais vouloir, et de cruauté.
S’abstenir de mensonges, de médisances, d’un langage grossier et s’abstenir de paroles futiles.
Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de méconduite sexuelle.
Gagner sa vie de manière digne en restant totalement honnête et en évitant d’exercer le trafic d’armes, d’êtres vivants ou de chair, ainsi que la vente de poison (et drogues) ou de boissons enivrantes.
L’effort de surmonter ce qui est défavorable, l’effort d’éviter ce qui est défavorable, l’effort de développer ce qui est favorable, et l’effort de maintenir ce qui est favorable.
La contemplation du corps, des sentiments, de l’esprit, et des phénomènes (vipassanā).
C’est la fixation de l’esprit sur un seul objet. Les huit pas se retrouvent tous réunis naturellement, dans un instant durant lequel on porte son attention sur la réalité. C’est le cas dans la pratique de vipassanā, qui a été enseigné par Bouddha comme étant le seul moyen permettant d’aboutir à l’expérience de nibbāna.
Pourquoi souffrons-nous ? Nous souffrons parce que nous sommes ignorants. Lorsqu’on connaît la réalité, l’ignorance n’a plus de raison d’être. C’est donc parce que nous ne connaissons pas la réalité que nous souffrons, parce que nous nous attachons à divers concepts qui sont sans consistance. Nous nous identifions ainsi à des sensations, à des émotions agréables ou désagréables qui ne font qu’apparaître et disparaître, et la valeur que nous voulons bien leur donner, fait qu’elles se développent inutilement. Nous y accordons une telle importance que nous finissons par nous fabriquer toute une réalité artificielle qui n’a pas d’existence véritable.
Si nous connaissons l’insatisfaction, c’est aussi parce que nous nous disons sans cesse que les choses devraient se dérouler de telle ou telle manière. Même si les choses ne se déroulent jamais comme il est souhaité (ou rarement), on reste figé sur le fait qu’elles auraient dû se dérouler ainsi, au lieu d’accepter pleinement la situation en profitant des riches informations qu’elle peut véhiculer sur la nature de la réalité. Quand une sensation embarrassante apparaît, on ne peut rien faire pour la supprimer, puisqu’elle est apparue ! La seule chose à faire est de l’observer afin de la connaître pour ce qu’elle est, pour qu’ensuite, elle n’ait plus de raison de continuer d’apparaître. Refuser une sensation embarrassante est le meilleur moyen de la nourrir.
La compréhension de la réalité n’est pas quelque chose qui se manifeste soudainement. La compréhension de la réalité se développe progressivement, au fil d’un ensemble de prises de conscience obtenues en portant simplement son attention sur la réalité. Celui qui s’habitue à demeurer vigilant et concentré dans ses activités, développera une capacité d’attention de plus en plus naturelle et de plus en plus profonde. Il est important de pratiquer l’attention de manière détendue, sans jamais forcer quoi que ce soit.
Rappelons que la voie qui mène à nibbāna est avant tout la voie de la modération. Ce n’est pas de beaucoup méditer qui apportera la fin de la souffrance. Si on passait de longues années sur un coussin de méditation sans appliquer l’attention sur ce qu’on perçoit, on perdrait son temps. Peu importe si nous ne consacrons que très peu de temps à prendre conscience de la réalité, ce qui compte est de le faire bien.
Imaginons que deux frères héritent chacun d’un petit restaurant. Le premier voudra agrandir sa nouvelle entreprise pour avoir plus de clientèle dans le dessein de faire plus de bénéfices. Tandis que le deuxième frère préférera concentrer ses efforts afin d’élaborer une bonne cuisine pour ses clients sans se soucier de leur affluence. Le premier frère, ne visant qu’à remplir son établissement de plus en plus, perdra beaucoup de temps à gérer les dettes causées par les travaux d’agrandissement, à l’investissement dans la publicité et à cuisiner de plus en plus vite, de plus en plus de plats, et cela au détriment de la qualité de la cuisine. Le résultat, est que les clients, déçus du restaurant, finiraient rapidement par se faire de plus en plus rares.
Alors que le deuxième frère, n’ayant de diligence que pour ses casseroles, donnera satisfaction à ses clients qui, naturellement, viendront chaque fois plus nombreux. À ce moment-là, il pourra facilement agrandir son restaurant grâce à sa bonne réputation qui se sera étendue sans effort inutile. Il l’agrandira parce qu’il aura beaucoup de monde, et ce n’est pas dans l’espoir d’avoir beaucoup de monde qu’il l’agrandira : cela fait une grande différence !
La voie qui mène à nibbāna consiste dans le fait de porter son attention sur la réalité et dans la patience pour chaque situation. Non pas à acquérir quelque chose de nouveau ou de supplémentaire, puisque tout est déjà là. Il s’agit plutôt de supprimer ce qui est en trop. Pour supprimer ce qui est de trop, c’est-à-dire les kilesā (les impuretés du mental) qui se traduisent par la jalousie, le désir, la peur, la colère, l’orgueil, etc. : il suffit de connaître la réalité telle qu’elle est, de voir ce qui constitue chacun des instants de notre vie.
Par exemple, lorsqu’une sensation de peur est connue dans sa nature, pour ce qu’elle est vraiment, ainsi dévisagée, elle ne peut plus nous affecter. Quand une peur ou une angoisse nous fait souffrir, c’est uniquement parce que nous ne savons pas de quoi elle est faite, parce que nous ne la connaissons pas. C’est ça, l’ignorance !
Comment connaître une sensation si ce n’est en l’observant telle qu’elle nous apparaît, sans y ajouter un jugement, une réflexion, et sans se poser la moindre question : juste la « regarder » en face avec attention pour voir ce qu’elle est. Si l’on souhaite connaître le goût d’un fruit, que fait-on ? Est-ce qu’on le regarde ? Est-ce qu’on le découpe ? Est-ce qu’on l’observe au microscope ? Est-ce qu’on en fait des analyses chimiques ? Est-ce qu’on lit des livres qui traitent du sujet ? Est-ce qu’on le touche ? Est-ce qu’on s’en injecte le jus dans les veines ? Ou encore, est-ce qu’on plonge dans une piscine qui en est remplie ? Pour connaître le goût d’un fruit… on le goûte et on porte son attention sur ce goût, c’est tout ! Il en va exactement de même pour connaître tout ce qui constitue la réalité.
Une question qui peut se poser : qu’est-ce qui constitue la réalité ? Réponse : c’est un ensemble de phénomènes mentaux et physiques appelés nāma et rūpa qui forment les six consciences dont chacune correspond à un type de perception. La réalité, c’est donc l’ensemble de tout ce qui est perçu par ces six consciences qui sont :
Celui qui s’entraîne à porter régulièrement son attention sur la réalité finit peu à peu par se détacher naturellement de la souffrance et des croyances erronées qui polluent sa vie, telle que celle de l’existence d’un soi ou d’une personnalité. Par exemple, lorsque l’attention est portée sur une douleur quand elle apparaît, on s’aperçoit que ce n’est pas SA douleur, mais simplement UNE douleur qui est observée.
C’est cela le détachement, ne pas s’accaparer des sensations. Le détachement n’est pas de se contraindre à se dépouiller de toute possession, ce serait là l’attachement à une pratique extrême. On peut très bien être détaché, tout en ayant à disposition beaucoup de matériel. Le pauvre déshérité qui vit dans la rue quant à lui, n’est pas détaché pour autant. Il peut très bien se raccrocher au peu qui lui reste et avoir beaucoup d’attachement à des idées ou à des principes, comme la dignité ou la fierté. Chercher à obtenir rapidement un détachement radical est une erreur, c’est le principe même de l’avidité : « plus on en veut, moins on en a ! »
Plus on lâche prise et plus les choses parviennent à point. Pour qui se contente seulement de porter son attention sur la réalité, sans rien faire d’autre, tous les résultats apparaîtront d’eux-mêmes et le détachement n’en sera que la conséquence automatique.
Vivre dans la réalité signifie vivre paisiblement, vivre pleinement chaque sensation, être présent à chacune d’entre elles de manière à être en phase avec les phénomènes physiques et mentaux. Ces phénomènes ne font qu’apparaître et disparaître les uns après les autres, un peu comme dans un film : les images n’apparaissent jamais en même temps, quelle que soit la vitesse de projection de la pellicule. La pratique persévérante de l’entraînement au vipassanā est la phase finale menant à nibbāna.
Ceux qui suivent cet entraînement intensif pendant des semaines ou des mois sont des personnes qui ont déjà acquit un certain degré de détachement. Sachons bien une chose : la pratique qui mène à nibbāna n’est ni la méditation poussée ni rien du tout. Elle n’est pas non plus propre à une religion, à une culture ou à un mouvement de pensée quelconque. Cette pratique s’adresse à tous les individus, quels qu’ils soient, quel que soient leur âge et leurs opinions. C’est une pratique universelle.
Quand un bhikkhu donne un enseignement, il ne s’agit pas du sien, mais de ce que Bouddha a dit. D’ailleurs, quand nous disons « l’enseignement de Bouddha », ce n’est qu’une manière de parler puisque lui-même n’a rien inventé. Il n’a fait qu’exposer la réalité qu’il a parfaitement comprise.
Le dhamma est le chemin qui mène à la Connaissance, à la compréhension juste de la réalité. Le dhamma peut être parcouru par chacun, quelles que soient ses occupations, puisqu’il s’agit d’un entraînement progressif. Quand on a un volumineux bloc de pierre devant soi et que l’on s’apprête à réaliser une sculpture, on ne commencera pas par utiliser des outils fins. On se servira d’un burin et un gros marteau pour enlever d’importants morceaux de pierre dans le but de donner les formes de base à l’œuvre. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourra effectuer le travail de raffinement.
Concernant la voie qui mène à nibbāna, c’est la même chose : on va commencer son entraînement par divers moyens qui seront adaptés à ses propres conditions de vie et c’est lorsqu’on aura développé une certaine maturité, une certaine sagesse qu’il deviendra facile à ce moment-là, d’aborder la phase finale qu’est l’entraînement intensif à la vipassanā.
Si on souhaite monter un étage en passant par le mur, ce sera très difficile et imprudent, on pourra tomber et se faire très mal. Tandis que celui qui aura pris le temps de monter une à une les quinze marches d’escalier qui mènent à l’étage, au moment où il se retrouvera sur la quatorzième marche, il sera très aisé pour lui de franchir la dernière marche qui le sépare du but.
Pour grimper les escaliers du dhamma, ceux qui mènent à nibbāna, Bouddha nous enseigne les trois éléments qui sont LA pratique menant à l’affranchissement définitif de la souffrance. On les appelle dāna, sīla et bhāvanā.
C’est la pratique du don, de la générosité à l’égard de tous les êtres, sans exception. Ce qui compte dans le don, ce n’est pas ce que l’on donne, ce n’est pas non plus à qui l’on donne, mais c’est comment on donne. C’est l’attention qu’il suscite, et c’est aussi le fait de se séparer de quelque chose, de se détacher, non pas de l’objet en question mais de l’idée de possession. Le plus important n’étant pas de donner beaucoup mais de bien donner, avec un état d’esprit positif et attentionné. Il est aussi très bénéfique, tant pour soi que pour les autres, de donner son temps et d’accorder sa présence à ceux qui en ont besoin.
C’est la pratique de la vertu, c’est s’entraîner à avoir une conduite juste et à rester clair et honnête dans toute situation. Se contenter de s’abstenir de faire du mal, c’est déjà faire le bien. Le seul fait de respecter les cinq préceptes est extrêmement positif car cela nécessite une certaine attention ainsi qu’une certaine vigilance à l’égard de tout ce qui nous entoure. Les cinq préceptes sont :
Consultez aussi « les 8 préceptes »
C’est l’entraînement consistant à développer la concentration. Concernant vipassanā, c’est l’établissement de la contemplation des phénomènes physiques et mentaux.
Ce n’est qu’en pratiquant le don, en s’entraînant à la conduite et en développant l’attention qu’il est possible d’acquérir une compréhension profonde de la réalité.
Ce qu’on peut appeler la compréhension profonde n’a rien à voir avec la compréhension ordinaire, car elle ne peut en aucun cas être obtenue par des explications aussi détaillées soient-elles, ni par la réflexion intellectuelle, ni par la lecture. La compréhension profonde apparaît automatiquement et presque à notre insu chaque fois qu’il y a connaissance directe de la réalité. Elle apparaît chaque fois que l’esprit voit une chose dans sa nature véritable, c’est-à-dire qu’il la perçoit sans y mettre un nom ou une étiquette.
Néanmoins, cela n’empêchera pas le mental de saisir l’expérience pour élaborer toutes sortes de concepts qui ne resteront que, par définition, dans le domaine de la compréhension ordinaire, soit rien d’autre qu’une fabrication de conceptions formées à partir d’éléments mémorisés depuis la naissance.
Sachons bien qu’il est impossible d’apporter la compréhension de la réalité aux autres. Seul, chacun peut y accéder par la volonté. La seule chose que l’on puisse apporter aux autres, ce sont des informations qui pourront leur permettre de se diriger eux-mêmes sur la bonne voie, celle de la compréhension juste. Lorsque nous voulons atteindre le sommet d’une montagne que nous ne connaissons pas, nous n’y parviendrons pas sans être accompagné par un guide, qui lui, connaît la montagne. Cependant, il ne nous porte pas sur ses épaules, c’est nous qui parcourons la totalité du chemin à l’aide de nos propres jambes, jusqu’au bout.
L’une des raisons principales de notre souffrance, c’est notre attachement aux conceptions. Et en particulier au fait que les choses ne se déroulent pas comme nous le voulons et que nous ne sommes pas comme nous voudrions être. Nous sommes aussi très attachés à ce que les autres peuvent penser de nous. Le plus important est de concentrer ses efforts sur ce qu’il nous semble être bien, bénéfique, et sain, en évitant de nuire à qui que ce soit. Il est inutile de se préoccuper du reste, exactement comme veut si bien dire le proverbe : « Bien faire et laisser dire. »
Lorsqu’on nous sert une salade, quel que soit son contenu, le fait d’en discuter ne transformera pas les grains de maïs en cubes de fromage, ne supprimera pas les olives noires, et ne multipliera pas les lardons grillés. La seule chose que nous puissions modifier dans cette salade et qui peut nous apporter un résultat concret et profitable, c’est la manière de la manger. C’est le fait d’être présent à chaque phase de son ingurgitation en portant son attention sur toutes les sensations de goût, d’odeur et de toucher (pour ce qui est de la texture et de la température des aliments). Il suffira donc d’observer tout cela tel que ça apparaît à la conscience, et surtout… sans se poser de questions !
Origine : Enseignement délivré près de Paris
Auteur : Moine Dhamma Sāmi
Date : 1999
Mise à jour : 11 oct. 2008