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résumé de la page

Méditation sur l’aspect repoussant du corps, avec suggestions et explications pour une mise en pratique au quotidien.

La méditation asubha

ATTENTION ! Cette page comporte des images qui peuvent choquer les personnes sensibles.

Les 10 asubha

En pali, subha signifie « plaisant » ; asubha signifie donc « déplaisant ».

À ne pas confondre avec les 32 parties du corps, asubha est une méditation qui porte sur l’aspect répugnant du corps physique. Bouddha nous a enseigné 10 objets asubha (sur les 40 de samatha). C’est dire que cet aspect des choses est non négligeable.

Les 10 méditations asubha prennent chacune pour objet un cadavre humain dans un état précis et ne correspondent pas seulement à des phases de décomposition différentes. Voici ces 10 objets :

1 uddhumātaka cadavre gonflé
2 vinīlaka cadavre brunâtre ou violacé par la pourriture
3 vipubbaka cadavre purulent
4 vicchiddaka cadavre séparé en deux
5 vikkhāyitaka cadavre rongé par des animaux
6 vikkhattaka parties dispersées d’un cadavre
7 hatavikkhittaka parties découpées au couteau d’un cadavre
8 lohitaka cadavre au sang coulant
9 puḷuvaka cadavre rempli de vers
10 aṭṭhika squelette d’un cadavre

La méditation asubha

Pour méditer sur l’un des 10 asubha, il convient tout d’abord de choisir — quand on le peut — l’un des dix types de cadavres précités, en restant proche et à vue de cet objet. Ensuite, nous dirigeons notre attention sur le caractère répugnant de ce mort, ayant conscience que son corps est le même que le nôtre, dans le sens où ce dernier se constitue des mêmes éléments et subirait un sort identique dans une condition comparable. Ignorant tout le reste, à l’instar des 39 autres objets de méditation samatha, nous nous entraînons alors à demeurer concentrés le plus longtemps possible sur ce constat de répugnance. Contrairement à certains objets samatha, ceux d’asubha peuvent tous conduire aux absorptions ; c’est-à-dire aux jhāna.


3 phases de décomposition du cadavre d’une jeune femme

Jeune femme morte, laissée telle quelle : Le jour même, quelques jours après, puis encore quelques jours de plus…

En dehors de cas exceptionnels, asubha est non seulement un objet difficile à trouver, mais difficile aussi est d’obtenir l’opportunité de demeurer plusieurs jours d’affilée à proximité de cadavres en décomposition. On comprend alors tout l’intérêt de la dhutaṅga susānika, pratique ascétique enseignée par Bouddha, consistant à prendre résidence dans un charnier.

Dans certains monastères, lorsqu’un moine meurt et qu’on s’apprête à l’incinérer, on l’expose à la vue de tous et ceux qui le souhaitent peuvent s’asseoir tout près et méditer sur asubha. En raison de la brièveté de cette opportunité, une expérience fructueuse ne peut être développée que par les méditants ayant déjà développé des absorptions à l’aide d’autres objets de méditation.

La pratique d’asubha est un antidote efficace contre le désir lubrique seulement lorsqu’il est pris pour objet jusqu'au jhāna. Cependant, même sans arriver à parfaire notre concentration, asubha reste un objet très propice à développer, pour qui que ce soit, et tout particulièrement pour ceux qui ont de l’attachement pour leur corps ou un petit excès de désir pour celui d’autres personnes. Il n’est pas du tout obligatoire de méditer sur tous les objets.


Cadavre ouvert comme une orange épluchée

La peau que nous prenons tant de plaisir à caresser, et ce qu’elle renferme…

asubha dans la vie quotidienne

Un réflexe naturel

La plupart des méditations samatha peuvent être pratiquées de deux façons : profonde, dans le but d’obtenir la puissante concentration indispensable aux absorptions ; ou en surface, par un entraînement intermittent sur des corps vivants ou des images mentales de corps. Pratiquer asubha de cette dernière façon est à la portée de n’importe qui, applicable dans n’importe quelle situation et ne nécessite aucun cadavre. Mais surtout, il s’agit d’un entraînement merveilleusement bénéfique, capable de freiner très efficacement les élans, parfois incessants, du désir charnel.

Cette pratique d’asubha constitue de loin le meilleur des antidotes antidésir, car oui, le désir est un poison dangereux. Nous croyons souvent que le désir est une chose souhaitable qui nous fait du bien, mais ce n’est qu’une pure illusion. La principale qualité de la méditation asubha, même « furtive », est précisément qu’elle nous aide à voir les choses comme elles sont en réalité. On se rend clairement compte que le désir est « indésirable » seulement lorsque nous commençons à développer une bonne pratique d’asubha, qui finit par devenir un réflexe naturel et ainsi une excellente protection contre les attachements physiques les plus forts.


Tête de cadavre gonflée par la décomposition

À l’instar du nôtre, même le plus beau, le plus charmant et le plus ravissant des visages ou des corps n’est qu’un amas de choses dégoûtantes (peau, graisse, sang, poils, salive, etc.). Il finira inévitablement par pourrir ou par être détruit d’une manière ou d’une autre.

Comment pratiquer asubha ?

Le désir du corps ne se limite pas à la sensualité, mais concerne aussi l’attachement à son propre corps et aux efforts aussi excessifs qu’inutiles que nous fournissons quotidiennement pour tenter de l’entretenir ou de l’améliorer. Cet attachement est encore plus nuisible dans le fait qu’il nous noie continuellement dans la croyance bien erronée de l’existence propre et permanente du corps et que celui-ci peut nous apporter du bien-être. En fait, il est une source continuelle de souffrances diverses. La preuve en est que nous nous sentons en profonde extase, libre et léger comme l’air à chaque fois que nous parvenons à des états où nous ne ressentons plus notre corps : lorsqu’il est « oublié ».

Pour cet « asubha au quotidien », nous n’avons pas besoin de chercher nos objets de méditation : ce sont eux qui viennent à nous ! Encore faut-il les saisir, surtout dans les moments délicats, lorsque nous commençons à tomber en proie à des sensations « subha », c’est-à-dire plaisantes. Ces sensations sont véhiculées par des concepts qui ne sont que des idées, des rêves, des fantasmes, elles n’ont donc rien de réel en dehors du fait qu’elles nous emprisonnent dans les attachements et tout le lot de mal-être qui leur est inhérent. L’idée principale de cette pratique est donc de voir la réalité telle qu’elle est afin de ne plus se laisser prendre, et ce un nombre incalculable de fois par minute, par l’illusion dévastatrice du désir. Le désir est même pire que l’alcool car « sa bouteille » est accessible en permanence autant qu’elle est inépuisable. Si l’alcool se contente de détruire le corps, le désir contribue à nous diriger vers de douloureuses renaissances. Les dégâts mentaux n’étant pas causés par l’alcool mais par le désir (de boire, d’oublier les difficultés de la réalité, de fuir le mal-être causé par la consommation d’alcool, etc.) et les conséquences des actes pernicieux engendrés par l’ivresse.

Dans notre pratique quotidienne d’asubha, nous pouvons prendre pour objet tout ce qui surgit naturellement à l’esprit, surtout lorsqu’il commence à trouver agréable un corps, la partie d’un corps, ou toute chose le suggérerant. Il peut aussi bien s’agir d’une personne vue dans son ensemble, d’une partie (même très limitée) d’un corps, de la forme d’un corps (entier ou en partie, caché sous un vêtement, une silouhette, une ombre…) ou de toute chose qui peut nous évoquer un corps ou une partie de corps. Dans chacun de ces cas, cela peut être un individu croisé sur son chemin, une affiche publicitaire, un dessin, ou simplement une pensée. Nous fixons alors toute notre attention de façon neutre sur cet objet afin de voir très simplement ce que c’est en réalité. Nous verrons alors qu’il n’y a qu’un assemblage d’éléments organiques dépourvus de tout attrait ou un assemblage d’images évocatrices mais vides de sens une fois isolées des autres.

Processus

En décortiquant ainsi ces visions, la belle cuisse d’une jolie jeune fille devient comparable à un jambon de porc, le sourire radieux d’un charmant jeune homme à une rangée de dents entourée d’un morceau de viande, et ainsi de suite. Nous pouvons mentalement découper et décomposer ce que nous observons. Par exemple, un sourire séduisant nous apparaît alors pour ce qu’il est : une dent, plus une autre, plus une autre… plus une lèvre, plus une autre, le tout entouré de chair transpercée de poils, etc. Une autre façon de pratiquer est de grossir les détails. Vue de très près, n’importe laquelle des parties les plus attirantes d’un corps devient une véritable horreur.

L’exercice peut s’avérer difficile à cause de la rapidité de l’esprit. La moindre pensée de désir d’une seconde, qui suffit à nous plonger dans un puissant fantasme sexuel, se compose d’innombrables concepts et s’élabore à une vitesse vertigineuse. Ainsi, en dépit d’une excellente détermination, après quelques instants de bonne concentration sur l’aspect asubha d’un objet, on glisse subitement dans le monde incontrôlable des grandes illusions où les plus belles idées (car ce sont les idées, les concepts associés aux images, qui forment les fantasmes, non les images elles-mêmes) nous semblent tout à coup plus réelles que la réalité elle-même. Le secret du succès dans cette méditation ? Comme pour le reste : c’est à force d’essayer souvent que peu à peu nous finissons par y arriver de mieux en mieux. Attention aussi à ne pas déshabiller Saint-Pierre pour habiller Saint-Paul. Répondre régulièrement à nos désirs ne favorisera pas notre éminente pratique d’asubha.

Si l’opportunité se présente, il est bien évidemment plus propice de développer asubha en contemplant de vrais cadavres (l’aspect et l’odeur écartant tout risque de « glissement » vers les fantasmes). De la sorte, comme nous pouvons aisément l’imaginer, le désir a nettement plus de mal à se faire une place. L’autre avantage est que ces visions demeurent et peuvent plus tard (en quittant le charnier pour la ville) se superposer sur des images habituellement plus attrayantes pour l’esprit.

Comme nous sommes de nos jours généralement plus proches d’Internet que des charniers, nous pouvons également « faire un peu d’asubha » sur des photos de corps inertes. Pour en trouver, il suffit d’ailleurs d’effectuer une recherche sur « asubha » à l’aide de Google Images.

Sans cette méditation, nous n’avons pas le choix, nous sommes perpétuellement assujettis à l’esclavage du désir. Avec un peu d’habitude, le réflexe de porter une vision juste sur le corps devient plus ou moins automatique. Nous avons alors le choix : soit nous mordons à l’hameçon dont l’avant-goût est toujours excellent, soit nous demeurons équanime en optant pour le comportement sage qui consiste à considérer la réalité telle qu’elle est. Plus nous sommes conscients que la coupe contient du poison, plus nous avons tendance à ne pas y tremper les lèvres, même si elle semble délicieuse. Enfin, avec un solide entraînement, nous n’avons même plus le choix puisque nous contrôlons bien notre esprit : notre vision juste devient si stable qu’il n’existe plus de possibilité de tomber dans le piège du désir. Cependant, notre esprit finira par nous faire boire encore le poison du désir à grosses gorgées si l’entraînement est abandonné, car seul nibbāna est en mesure d’éradiquer le désir une bonne fois pour toutes. En dehors de nibbāna, asubha est le seul remède réellement efficace contre le désir charnel.

Ne plus retoucher les images

Il y a un comportement naturel de l’esprit qu’il nous suffit d’observer pour y voir plus clair dans notre tâche. C’est une tendance naturelle qui de plus est facile à remarquer quand on y prête attention. En fait, on peut même dire que notre esprit nous mâche le travail puisqu’il commence toujours par voir les choses telles qu’elles sont. Nous en sommes habituellement même pas conscients (ou si peu) car aussi systématiquement qu’immédiatement, il transforme tout à sa convenance, restant complètement et volontairement aveugle à la réalité. Il crée les images de tout ce qu’il vit exactement à la manière d’un retoucheur d’images préparant des photos pour un magazine. Il ne laisse aucun cliché tel quel. Chacun d’eux est soigneusement modifié à l’aide d’outils divers : distortions, agrandissements, découpages, masquages, lissages, suppressions des tâches, etc.

Notre esprit n’agit aucunement différemment de cela. À l’instar du photographe de mode, il ne nous montre que des clichés bien arrangés, laissant inaccessibles les « photographies » originales. Soyons comme un détective souhaitant faire la lumière sur la vie privée des modèles, à la recherche de détails révélateurs, pour connaître qui elles sont vraiment. Pour ce faire, il s’intéressera exclusivement aux photos d’origine, avant qu’elles ne passent à travers le logiciel de retouche.

L’esprit « retouche » donc continuellement les images de la réalité selon une habileté qui dépasse largement celle des plus grands retoucheurs d’images numériques. N’importe quel corps est rempli d’imperfections et plus nous nous en rapprochons, plus nous pouvons en distinguer. Mais chaque fois, notre esprit emploie ses outils magiques capables de transformer des sorcières en fées. À chaque coup d’œil sur une forme plaisante, il met en valeur une zone évoquant des idées et des sensations agréables, masque les autres en les substituant par quelques-uns des nombreux morceaux d’images tout prêts qu’il conserve dans sa mémoire. Par exemple, si l’esprit connait un sentiment plaisant en laissant le regard focalisé sur la bouche de quelqu’un et qu’il la trouve bien dessinée, jolie, etc., ce n’est pas parce notre regard est tombé seulement sur cette bouche et que nous avons décidé de ne pas regarder autre chose. Nous avons d’abord regardé le visage dans son ensemble et jugé « pas intéressant » la zone extérieure à la bouche. Avec la pratique d’asubha, nous nous habituons à voir les corps et visages tels qu’ils se présentent, sans choisir de zone et en prenant soin de ne rien modifier ni d’employer le stock de paillettes de notre mémoire.

Idéalement, nous éviterons tant soit peu de laisser notre œil entrer en contact avec les formes attirantes, ce qui permettra de désactiver progressivement les « outils de retouche » de notre « logiciel-esprit », d’autant plus que l’œil agit comme un aimant (dans les deux sens de ce terme) sur le fer des images plaisantes.

Nous pouvons éventuellement nous focaliser sur des parties moins attirantes (comme des zones poilues, ridées, boutoneuses, veineuses, les articulations…) et en cas de formes attirantes, le seul outil que nous nous autorisons à employer est la loupe grossissante.

Si cet entraînement est appliqué régulièrement, il procurera tôt ou tard un soulagement infiniment plus satisfaisant que l’expérience de toute façon insatiable de goûter physiquement et pleinement au plus attirant des corps. Justement parce que nous ne serons plus esclaves de ce type d’attirance si couteux en énergie, si abondant en frustration et si propice à l’aveuglement.

asubha ne concerne que le corps, mais nous pouvons bien entendu étendre cette manière de pratiquer à bien des choses : la nourriture, la musique, le confort matériel…

infos sur cette page

Origine : Rédigé pour dhammadana.org

Date : Janv. 2011

Auteur : isi Dhamma

Mise à jour : 16 févr. 2011