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Des moines s’efforçaient d’effacer les quasi-souillures – ou souillures mineures – qui se manifestent quand on commence à pratiquer la supravoyance (Visud XX 105). Ils avaient déjà une stricte vertu extérieure et intérieure ainsi qu’une intense concentration. Ils approchaient du chemin « d’entrée dans le courant », aussi appelé chemin de vision. Le Bienheureux leur parle d’abord des contaminations qu’élimine le passage par ce chemin, puis de celles dont il faut se soucier pour atteindre l’un quelconque des quatre chemins, le chemin d’entrée dans le courant, le chemin d’un seul retour, le chemin sans retour et le chemin d’accomplissement.
Ainsi ai-je entendu.
En ce temps-là le Bienheureux séjournait près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jéta.
En cette occasion le Bienheureux s’adressa aux moines :
— Moines !
— Oui, Maître, lui répondirent les moines.
Le Bienheureux leur dit :
— Je vais vous enseigner, moines, comment empêcher toutes les contaminations. Écoutez et faites bien attention, je vais parler.
— Bien, Maître, répondirent les moines.
Et le Bienheureux leur dit ceci :
— C’est à celui qui sait, moines, à celui qui voit, que j’enseigne l’élimination des contaminations, non à celui qui ne sait pas et ne voit pas. Que sait-il donc, moines, que voit-il donc qui lui permette d’éliminer les contaminations ? La considération juste et la considération fausse(*). Quand on considère faussement, moines, des contaminations non encore apparues apparaissent et les contaminations déjà apparues augmentent. Quand on considère correctement, les contaminations non encore apparues n’apparaissent pas et les contaminations apparues disparaissent.
Considération fausse quand on prend pour permanent, heureux, autonome ou beau ce qui est temporaire (anicca), malheureux, dépendant et laid. Considération correcte dans le cas contraire, quand on reconnaît toutes choses dans leur vérité.
Il y a, moines, des contaminations qu’il faut éliminer par la vision, des contaminations qu’il faut éliminer par le contrôle, des contaminations qu’il faut éliminer par un bon usage, des contaminations qu’il faut éliminer par une acceptation patiente, des contaminations qu’il faut éliminer par la prudence, des contaminations qu’il faut éliminer en rejetant et des contaminations qu’il faut éliminer en développant.
Quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par la vision ?
Ici, moines, un être ordinaire, ignorant, qui ne peut voir les ariyā, qui ne peut connaître la réalité pure et qui n’est pas éduqué à la réalité pure, qui ne peut voir les Grands Hommes, qui ne peut connaître la réalité des Grands Hommes et qui n’est pas éduqué à la réalité des Grands Hommes, ne sait pas avec pañña quelles réalités prendre en considération ni quelles réalités ne pas prendre en considération. Comme il ne le sait pas, il prend en considération des réalités qu’il ne devrait pas prendre en considération, et il ne prend pas en considération les réalités qu’il devrait prendre en considération.
Quelles sont donc, moines, les réalités qu’il prend en considération alors qu’il ne le devrait pas ? Ce sont celles dont la prise en considération permet à la contamination sensorielle(*) non encore apparue d’apparaître, à la contamination sensorielle apparue d’augmenter, à la contamination existentielle non encore apparue d’apparaître, à la contamination existentielle apparue d’augmenter, à la contamination par l’aveuglement (avijjā) non encore apparue d’apparaître et à la contamination par l’aveuglement apparue d’augmenter. Telles sont les réalités qu’il prend en considération alors qu’il ne le devrait pas.
Contamination sensorielle est synonyme d’attachement aux plaisirs sensoriels. La contamination existentielle désigne le désir-attachement aux existences dans les sphères extra-sensorielles et illimitées, ainsi que le plaisir pris aux absorptions contemplatives quand celui-ci s’accompagne d’une croyance nihiliste ou éternaliste (dans ce cas la contamination existentielle englobe la contamination par les croyances). La contamination par l’aveuglement (avijjā) n’est rien d’autre que la méconnaissance des 4 vérités. Ces trois contaminations s’opposent aux trois formes de délivrance, la délivrance-sans-envie, la délivrance-sans-signe et la délivrance-vacuité (Visud XXI 70).
Et quelles sont, moines, les réalités qu’il ne prend pas en considération alors qu’il le devrait ? Ce sont celles dont la prise en considération amène la contamination sensorielle non encore apparue à ne pas apparaître, la contamination sensorielle apparue à disparaître, la contamination existentielle non encore apparue à ne pas apparaître, la contamination existentielle apparue à disparaître, la contamination par l’aveuglement non encore apparue à ne pas apparaître et la contamination par l’aveuglement apparue à disparaître. Telles sont les réalités qu’il ne prend pas en considération alors qu’il le devrait.
Comme il prend en considération des réalités qu’il ne devrait pas prendre en considération et qu’il ne prend pas en considération les réalités qu’il devrait prendre en considération, les contaminations non encore apparues apparaissent et les contaminations apparues augmentent.
Ainsi prend-il à tort en considération les questions suivantes : « Ai-je existé dans le passé ? N’ai-je pas existé dans le passé ? Qu’étais-je dans le passé ? Comment étais-je dans le passé ? Par quelle succession d’étapes suis-je passé ? Existerai-je dans l’avenir ? N’existerai-je pas dans l’avenir ? Que serai-je dans l’avenir ? Comment serai-je dans l’avenir ? Par quelles étapes passerai-je dans l’avenir ? »
Ou bien il s’interroge sur le présent : « Existé-je ? N’existé-je pas(*) ? Que suis-je ? Comment suis-je ? D’où vient cet être ? Où va-t-il ? »
Il s’interroge sur l’existence d’un moi-autonome dans les cinq ensembles (khandhā).
Ces considérations ineptes suscitent l’une des six croyances suivantes : croire fermement qu’on a un moi-autonome, croire fermement qu’on n’a pas de moi-autonome, croire fermement qu’on perçoit un moi-autonome au moyen d’un moi-autonome, croire fermement qu’on perçoit l’absence de moi-autonome au moyen d’un moi-autonome, croire fermement qu’on perçoit un moi-autonome au moyen de l’absence d’un moi-autonome(*), ou croire ce qui suit : « Ce moi-autonome qui est mien, qui parle et qui ressent, fait dans telle ou telle situation l’expérience de l’effet des actes méritoires et déméritoires ; ce moi-autonome qui est mien est éternel, stable, permanent et de nature immuable, il est semblable aux choses éternelles(**) et restera ainsi ». Voilà ce qu’on appelle croyance, piège des croyances, danger des croyances, fausseté des croyances, incertitude des croyances, chaîne des croyances.
* En identifiant le moi-autonome avec la perception. Quand on perçoit les autres ensembles, un moi-autonome identifié avec la perception (saññā) perçoit un moi-autonome reconnu dans les autres ensembles, ou son absence si on n’y perçoit aucun moi-autonome. Et si l’on ne perçoit pas la perception comme un moi-autonome, on arrive à l’une des deux croyances suivantes.
** Le soleil, la lune, l’océan, la terre et les montagnes que le monde croit immuables.
Quand il est prisonnier de la chaîne des croyances, l’être ordinaire et ignorant ne se libère pas de la naissance, du vieillissement, de la mort, du chagrin, des lamentations, de la douleur, de l’insatisfaction et du désespoir, il ne se libère pas du malheur, je l’affirme.
En revanche, moines, le disciple noble(*) et instruit, qui voit les ariyā, qui connaît la réalité pure, qui est éduqué dans la réalité pure, qui voit les Grands Hommes, qui connaît la réalité des Grands Hommes et qui est éduqué dans la réalité des Grands Hommes, sait quelles réalités prendre en considération et quelles réalités ne pas prendre en considération.
Ici, le disciple est réputé noble dans la mesure où il s’exerce à la supravoyance en évitant toute erreur, toute souillure mineure.
Quelles sont, moines, les réalités à ne pas prendre en considération qu’il ne prend pas en considération ? Ce sont celles dont la prise en considération permettrait à la contamination sensorielle, à la contamination existentielle et à la contamination par l’aveuglement (avijjā) non encore apparues d’apparaître et à ces mêmes contaminations, apparues, d’augmenter. Telles sont les réalités à ne pas prendre en considération qu’il ne prend pas en considération.
Et quelles sont, moines, les réalités à prendre en considération qu’il prend en considération ? Ce sont celles dont la prise en considération amène la contamination sensorielle, la contamination existentielle et la contamination par l’aveuglement non encore apparues à ne pas apparaître et les mêmes contaminations, apparues, à disparaître. Telles sont les réalités à prendre en considération qu’il prend en considération.
Comme il ne prend pas en considération les réalités à ne pas prendre en considération et qu’il prend en considération les réalités à prendre en considération, les contaminations non encore apparues n’apparaissent pas et les contaminations apparues disparaissent.
Il considère correctement : « Ceci est le malheur », il considère correctement : « Ceci est la source du malheur », il considère correctement : « Ceci est l’arrêt du malheur », et il considère correctement : « Ceci est le chemin qui mène à l’arrêt du malheur »(*). Cette considération correcte élimine trois chaînes : la croyance à la personne, l’hésitation, la méprise relative aux observances et aux rites(**).
* Lors de la pratique de la supravoyance, on prend en considération les cinq ensembles (khandhā) qui constituent le malheur, ainsi que le désir initial ou soif, taṇhā, qui en est la source. Quand on coupe la source, le malheur s’arrête, et l’on voit simultanément la mécanique de l’arrêt : l’octuple chemin. Explications détaillées : Visud XVI 13.
** Croyance à la personne, sakkāyadiṭṭhi : on s’identifie au physique, ou on se situe dans le physique, ou on croit émaner du physique comme l’odeur sortant de la fleur, ou on croit être possesseur du physique. Et les 4 mêmes idées pour chacun des 4 autres ensembles, ressenti, perception, composants mentaux, état de conscience. Soit 20 possibilités.
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par la vision.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par le contrôle ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine maintient un contrôle vigilant sur la faculté oculaire. S’il ne maintenait pas ce contrôle sur la faculté oculaire, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il maintient ce contrôle vigilant sur la faculté oculaire, ces contaminations ne se produisent pas.
De même, c’est avec un discernement judicieux qu’il maintient un contrôle vigilant sur la faculté auriculaire… sur la faculté nasale… sur la faculté linguale… sur la faculté corporelle… sur la faculté de connaître (explications détaillées : Visud I 53).
Telles sont les contaminations qu’il faut éliminer par le contrôle.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par un bon usage ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine utilise ses robes uniquement pour se protéger du froid, de la chaleur et du contact des taons, des mouches, du vent, de la fournaise et des reptiles, seulement pour cacher les parties impudiques.
Il mange la nourriture avec un discernement judicieux, non pour jouer, pour se stimuler, s’embellir ou resplendir, mais seulement pour soutenir son corps et l’entretenir, pour arrêter l’agression (de la faim) et persévérer dans la vie sainte : « J’éliminerai ainsi l’ancien ressenti (la faim), j’éviterai un nouveau ressenti (l’indigestion) et mon mode de vie sera irréprochable et confortable ».
Il utilise le logement avec un discernement judicieux, seulement pour se protéger du froid, de la chaleur, du contact des taons, des mouches, du vent, de la fournaise et des reptiles, seulement pour écarter le danger de la température et jouir de la retraite.
Il utilise les médicaments avec un discernement judicieux, seulement pour chasser les ressentis morbides et pour guérir. (Explications détaillées : Visud I 85)
S’il ne faisait pas un bon usage de tout cela, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire(*). Mais comme il en fait bon usage, ces contaminations ne se produisent pas.
Contamination sensorielle quand il désire obtenir ce qu’il n’a pas ou se délecte de ce qu’il a. Contamination existentielle quand il souhaite retrouver la chose dans une bonne destinée ultérieure. Contamination par les croyances quand il croit que c’est lui qui obtient ou n’obtient pas la chose, ou que cette chose est sienne. Et l’ignorance associée aux trois contaminations précédentes constitue la contamination par l’aveuglement (avijjā).
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par un bon usage.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par une acceptation patiente ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine endure le froid et le chaud, la faim et la soif, le contact des taons, des mouches, du vent, de la brûlure et des reptiles, les paroles blessantes ou déplaisantes, il est capable de supporter des douleurs oppressantes, cruelles, aiguës, déplaisantes ou même mortifères(*). S’il n’endurait pas tout cela patiemment, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il l’accepte, ces contaminations ne se produisent pas.
Il ne tremble pas sous l’effet du froid mais continue imperturbablement à considérer l’objet de sa pratique. Dans le cas de la prudence, contamination sensorielle s’il aspire à ne pas souffrir quand un animal furieux le piétine, contamination existentielle quand il aspire à une future existence où l’on ne trouve pas une telle souffrance, contamination par les croyances quand il pense : « L’animal me piétine », et l’aveuglement qui accompagne ces 3 contaminations constitue la contamination par l’aveuglement. (Voir exemples d’épreuves vécues).
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par une acceptation patiente.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par la prudence ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine évite les éléphants dangereux, les chevaux fous, les taureaux furieux, les chiens enragés, les serpents, les souches, les épineux, les fosses, les talus, les décharges et les bourbiers. Avec un discernement judicieux, il évite de prendre une place dans un endroit à éviter, de chercher sa nourriture dans des lieux mal famés ou de frayer avec de mauvais amis, quand cette place, cette fréquentation ou ces mauvais amis pourraient inciter ses sages compagnons dans la vie sainte à le plaindre(*).
Parce qu’il a commis ou risque de commettre de mauvaises actions.
S’il n’évitait pas tout cela, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il l’évite, ces contaminations ne se produisent pas.
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer par la prudence.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer en rejetant ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine n’accepte pas les pensées de désir : quand une telle pensée apparaît, il la rejette, la repousse, l’élimine et l’anéantit. Il n’accepte pas les pensées d’aversion : quand une telle pensée apparaît, il la rejette, la repousse, l’élimine et l’anéantit. Il n’accepte pas les pensées malveillantes : quand une telle pensée apparaît, il la rejette, la repousse, l’élimine et l’anéantit. Il n’accepte pas que des agents mentaux mauvais et pernicieux apparaissent de façon répétée : quand de tels agents se manifestent, il les rejette, les repousse, les élimine et les anéantit.
S’il ne les rejetait pas, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il les rejette, ces contaminations ne se produisent pas.
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer en rejetant.
Et quelles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer en développant ?
Ici, moines, c’est avec un discernement judicieux que le moine développe le facteur-d’éveil (bojjhaṅga) vigilance (sati) qui s’appuie sur l’isolement, s’appuie sur le détachement, s’appuie sur l’arrêt et tend au renoncement. Avec un discernement judicieux il développe le facteur-d’éveil examen-des-agents (dhammavicaya)… vigueur (vīriya)… ravissement (pīti)… tranquillité (passaddhi)… concentration (samādhi)… équanimité (upekkhā), qui s’appuient sur l’isolement, s’appuient sur le détachement (virāga), s’appuient sur l’arrêt et tendent au renoncement(*).
Ces facteurs-d’éveil, ou facteurs-de-réalisation, bojjhaṅga, sont dits mondains quand ils mènent au chemin d’entrée dans le courant, et supramondains pour les 3 autres chemins. Ils sont tous présents à l’instant du chemin, et c’est grâce à leur conjonction que le disciple noble s’éveille du cauchemar des souillures, qu’il pénètre les 4 nobles vérités et voit directement le dénouement.
S’il ne développait pas ces facteurs, des contaminations perturbantes et brûlantes pourraient se produire. Mais comme il les développe, ces contaminations ne se produisent pas.
Telles sont, moines, les contaminations qu’il faut éliminer en développant.
Et, moines, quand il a éliminé par la vision les contaminations qu’il faut éliminer par la vision, éliminé par le contrôle les contaminations qu’il faut éliminer par le contrôle, éliminé par un bon usage les contaminations qu’il faut éliminer par un bon usage, éliminé par une acceptation patiente les contaminations qu’il faut éliminer par une acceptation patiente, éliminé par la prudence les contaminations qu’il faut éliminer par la prudence, éliminé par le rejet les contaminations qu’il faut éliminer en rejetant, éliminé par le développement les contaminations qu’il faut éliminer en développant, le moine est réputé avoir empêché toutes les contaminations, coupé toute soif, défait toutes les chaînes et mis fin au malheur grâce à la parfaite compréhension-destruction de l’appréciation (de soi).
Ainsi parla le Bienheureux.
Les moines furent satisfaits des paroles du Bienheureux et ils s’en réjouirent.
Il neigeait. Un confirmé qui séjournait au Mont du Monument, dans le foyer d’exercices de la grotte Piyangu, médita sur le dernier des enfers froids et resta dehors sous la neige sans perdre l’objet de sa pratique.
Contamination sensorielle quand celui qui souffre du froid aspire à se réchauffer, contamination existentielle quand il se souhaite une meilleure situation ultérieure où il ne souffrira pas du froid, contamination par les croyances quand il pense « J’ai froid », et l’aveuglement (avijjā) qui accompagne ces 3 contaminations constitue la contamination par l’aveuglement. Même type d’explication pour les autres sortes d’épreuves.
Pendant la saison chaude, un moine confirmé s’assit, après le repas, à l’extérieur du promenoir et saisit l’objet de sa pratique. Comme la sueur lui coulait des aisselles, un disciple lui dit : « Asseyez-vous à l’ombre, seigneur ».
Le confirmé lui répondit :
— C’est parce que je crains la chaleur, mon ami, que je suis assis ici.
Ce confirmé méditait sur le grand enfer Avīci.
Si le moine n’a reçu aucune nourriture ni boisson deux ou trois fois de suite, il doit méditer sur la condition des trépassés affamés et persévérer dans sa pratique sans vaciller.
On raconte que le confirmé Padhāniya qui demeurait dans le monastère Khandacela, au foyer d’exercices Kanikāra, écoutait l’enseignement de la lignée immaculée quand il fut piqué par un serpent au venin mortel.
Le confirmé garda l’esprit clair et continua d’écouter l’enseignement, ce qui freina la progression du poison. Il se remémora ensuite la discipline monastique qu’il avait suivie depuis son ordination et n’y trouva aucune tache, ce qui le ravit, et ce ravissement fit sortir le poison, qui pénétra dans le sol. Le confirmé réussit alors à focaliser son attention, développa la supravoyance et atteignit l’accomplissement.
Le confirmé Abhaya, récitant du Dīgha Nikāya, était allé enseigner la voie de la grande lignée immaculée à Mahāgama. Là, tout le monde était venu l’honorer, ce qu’un autre confirmé ne supporta pas, prétendant que l’honneur d’enseigner lui revenait de droit et faisant grand tapage.
Une fois l’enseignement terminé, ils parcoururent ensemble plusieurs kilomètres avant que leurs routes ne se séparent. L’autre confirmé n’arrêtait pas d’offenser Abhaya qui ne répondait pas. Lorsque leurs chemins se séparèrent enfin, Abhaya salua l’autre confirmé et lui dit poliment :
— Voici votre route, seigneur.
L’autre fit semblant de ne pas entendre et poursuivit son chemin.
De retour dans son monastère, le confirmé se lava les pieds et s’assit. Un disciple qui l’avait accompagné tout le temps lui demanda :
— Pourquoi ne lui avez-vous fait aucun reproche, seigneur ?
— J’étais tout entier dans l’acceptation, mon ami, non dans l’absence d’acceptation. Je crois que je n’ai pas fait un seul pas sans avoir à l’esprit cet objet de pratique.
Le Vénérable Padhāniya du mont Cittala avait passé la plus grande partie de la nuit à s’exercer quand ses intestins commencèrent à le faire souffrir. La douleur lui était insupportable et il remuait en tous sens. Un confirmé errant qui se tenait à côté du promenoir lui dit :
— Mon ami, les renonçants ont pour vertu d’accepter.
— Oui, seigneur, répondit-il.
Il s’allongea et ne bougea plus. La douleur lui fendait le corps du nombril au cœur, mais le confirmé bloqua ce ressenti, pratiqua la supravoyance, atteignit en un instant l’état d’anāgāmi et finit même par arriver au complet dénouement.
Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)
Date : Ve siècle avant notre ère
Traducteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011