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MN 26 - ariyapariyesana sutta

Le récit de la quête immaculée

Le commentaire appelle ce récit Pāsarāsi sutta, récit de l’amas de liens.

Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jéta.

Le Bienheureux qui s’était vêtu de bon matin et avait pris son bol et sa robe, était allé à Sāvatthi pour collecter sa nourriture quand un groupe de moines vint trouver le Vénérable Ānanda. Ils lui dirent dès leur arrivée :

— Il y a longtemps, ami Ānanda, que nous n’avons pas entendu un discours sur le Dhamma de la bouche du Bienheureux. Il serait bon que nous puissions entendre un tel discours de la bouche même du Bienheureux.

— Rendez vous, vénérables, à l’ashram du brahmane Rammaka, vous pourrez probablement y entendre un discours sur le Dhamma de la bouche du Bienheureux(*).

— Bien, mon ami, répondirent ces moines au Vénérable Ānanda.

Le Bouddha passa les 20 années suivant sa réalisation sans avoir d’attache nulle part, mais il choisit ensuite Sāvatthi comme base. Il y avait ses parcours habituels et donnait des indications qui permettaient à Ānanda de deviner où il allait se rendre. Ce n’est donc pas au moyen de « la connaissance qui sonde les esprits » qu’Ānanda savait où les moines pourraient rencontrer le Bienheureux, mais par simple déduction. Le Parc de l’Est et le bois Jéta étaient les principales résidences du Bienheureux près de Sāvatthi.


Or, après avoir parcouru Sāvatthi pour faire sa collecte de nourriture, le Bienheureux mangea son repas, puis il rentra de sa collecte et s’adressa au Vénérable Ānanda :

— Maintenant, Ānanda, allons au palais Migāramātu dans le Parc de l’Est pour y passer la journée.

— Bien, Maître, répondit le Vénérable Ānanda.

Le Bienheureux se rendit donc avec le Vénérable Ānanda au palais Migāramātu dans le Parc de l’Est pour y passer la journée.


Vers le soir, le Bienheureux sortit de sa retraite et dit au Vénérable Ānanda :

— À présent, Ānanda, allons au Pavillon de l’Est pour nous baigner.

— Bien, Maître, répondit le Vénérable Ānanda.

Le Bienheureux se rendit donc avec le Vénérable Ānanda au Pavillon de l’Est pour se baigner. Après le bain, il resta debout avec une seule robe pour se sécher.

Le Vénérable Ānanda lui proposa alors :

— L’ashram du brahmane Rammaka n’est pas loin, Maître, cet ashram est agréable, Maître, il est tranquille. Il serait bon que le Maître se rende par compassion (pour le groupe de moines) à cet ashram.

Le Bienheureux accepta en gardant le silence et se rendit à l’ashram du brahmane Rammaka.


À ce moment, le groupe de moines était assis dans l’ashram du brahmane Rammaka pour parler du Dhamma (en évoquant les 10 grandes qualités, Visud IX 124, et le grand départ de Siddhattha Gotama). Le Bienheureux resta debout sous le porche extérieur en attendant qu’ils aient fini de parler.

Puis, quand le Bienheureux sut que la conversation était terminée, il toussota et gratta discrètement à la porte. Les moines ouvrirent la porte au Bienheureux. Celui-ci pénétra dans l’ashram et s’assit sur la place préparée. Une fois bien assis, le Bienheureux demanda aux moines :

— Pour quelle discussion, moines, êtes-vous à présent réunis ? Quelle conversation ai-je interrompue ?

— Notre conversation du Dhamma portait justement sur le Bienheureux, quand le Bienheureux est arrivé.

— C’est bien, moines. Il convient en effet que des fils de bonne famille comme vous qui avez quitté votre foyer par conviction, se réunissent pour parler du Dhamma. Et quand vous êtes réunis, vous pouvez faire deux choses, soit parler du Dhamma, soit garder le silence immaculé (en vous consacrant à l’objet principal de votre pratique ou en vous absorbant dans le deuxième jhāna).

(Ces moines étant venus « quêter » un enseignement, le Bienheureux va leur indiquer quelle quête peut être sans tache).

Il y a deux sortes de quête, moines, la quête immaculée et la quête impure.

Quand y a-t-il quête impure, moines ? Quand ce qui est de nature à naître ne recherche que ce qui est de nature à naître, quand ce qui est de nature à vieillir ne recherche que ce qui est de nature à vieillir, quand ce qui est de nature à tomber malade ne recherche que ce qui est de nature à tomber malade, quand ce qui est de nature à mourir ne recherche que ce qui est de nature à mourir, quand ce qui est de nature à s’attrister ne recherche que ce qui est de nature à s’attrister, et quand ce qui est de nature à souffrir ne recherche que ce qui est de nature à souffrir.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à naître ? La femme et les enfants sont de nature à naître, les serviteurs et les servantes sont de nature à naître, les chèvres et les moutons sont de nature à naître, les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à naître, l’or et l’argent sont de nature à apparaître. Tous ces leurres sont de nature à naître, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à naître ne recherche que ce qui est de nature à naître.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à vieillir ? La femme et les enfants… les serviteurs et les servantes… les chèvres et les moutons… les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à vieillir, l’or et l’argent sont de nature à s’user. Tous ces leurres sont de nature à vieillir, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à vieillir ne recherche que ce qui est de nature à vieillir.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à tomber malade ? La femme et les enfants… les serviteurs et les servantes… les chèvres et les moutons… les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à tomber malade(*). Tous ces leurres sont de nature à tomber malade, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à tomber malade ne recherche que ce qui est de nature à tomber malade.

L’or et l’argent ne figurent pas dans cette phrase, car s’ils ont pour nature de naître au sens d’apparaître, et celui de vieillir au sens de s’user, ils ne tombent pas malades ni ne meurent ni ne s’attristent ni ne souffrent comme les êtres vivants.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à mourir ? La femme et les enfants… les serviteurs et les servantes… les chèvres et les moutons… les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à mourir. Tous ces leurres sont de nature à mourir, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à mourir ne recherche que ce qui est de nature à mourir.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à s’attrister ? La femme et les enfants… les serviteurs et les servantes… les chèvres et les moutons… les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à s’attrister. Tous ces leurres sont de nature à s’attrister, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à s’attrister ne recherche que ce qui est de nature à s’attrister.

Qu’est-ce qui, selon vous, moines, est de nature à souffrir ? La femme et les enfants… les serviteurs et les servantes… les chèvres et les moutons… les éléphants, les vaches, les chevaux et les juments sont de nature à souffrir. Tous ces leurres sont de nature à souffrir, et celui qui y tient, qui s’y attache, qui s’y avilit et qui est lui-même de nature à souffrir ne recherche que ce qui est de nature à souffrir.

Voilà, moines, en quoi consiste la quête impure.

Et en quoi consiste, moines, la quête immaculée ? Voici. Ce qui est de nature à naître voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de naître, et il recherche le Non-né, la suprême Protection contre les liens (du monde), le Dénouement. Ce qui est de nature à vieillir voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de vieillir, et il recherche le Sans-vieillesse, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement. Ce qui est de nature à tomber malade voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de tomber malade, et il recherche le Sans-maladie, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement. Ce qui est de nature à mourir voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de mourir, et il recherche l’Immortalité, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement. Ce qui est de nature à s’attrister voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de s’attrister, et il recherche le Sans-tristesse, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement. Ce qui est de nature à souffrir voit l’inconvénient de ce qui a pour nature de souffrir, et il recherche le Sans-souffrance, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement. Voilà, moines, en quoi consiste la quête immaculée.

Moi aussi, moines, avant ma pleine réalisation, alors que je n’étais encore qu’un bodhisatta et non un parfait Bouddha, j’étais moi-même de nature à naître… à vieillir… à tomber malade… à mourir… à m’attrister… et à souffrir, et je ne recherchais que ce qui avait pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir.

Mais il me vint, moines, cette pensée : « Pourquoi moi qui suis de nature à naître… à vieillir… à tomber malade… à mourir… à m’attrister… et à souffrir, recherché-je seulement ce qui a pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir ? Il vaudrait mieux, pour moi qui ai cette nature, que je voie l’inconvénient de ce qui a pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir, et que je recherche le Non-né… le Sans-vieillesse… le Sans-maladie… l’Immortalité… le Sans-tristesse… le Sans-souffrance, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement.

Autrefois, moines, quand j’étais jeune, j’avais les cheveux d’un noir de jais, l’éclat de la jeunesse, j’étais dans mon premier âge. Contre la volonté de ma mère et de mon père qui pleuraient et se lamentaient, je me fis couper les cheveux et la barbe, je revêtis les robes safran et je quittai mon foyer pour l’errance.

Dans cette situation, je cherchais ce qui pouvait être bénéfique, j’étais en quête du merveilleux chemin vers la Paix ultime et je rencontrai Āḷāra kālāma…

(Reprise ici mot pour mot du récit n°85 : épisodes avec Āḷāra kālāma, avec Uddaka Rāmaputta, et découverte du lieu de la future réalisation).

… c’est donc là, moines, que je m’assis en pensant que ce lieu convenait à une bonne pratique.

Là, moines, moi qui avais pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de m’attrister… et de souffrir, je vis l’inconvénient de ce qui a pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir, et en recherchant le Non-né… le Sans-vieillesse… le Sans-maladie… l’Immortalité… le Sans-tristesse… le Sans-souffrance, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement, je l’atteignis.

J’ai alors pensé, moines : « J’ai atteint cette réalité profonde, difficile à voir, difficile à réaliser, paisible, excellente, inaccessible par la réflexion, absconse et perceptible par les seuls sages…

(Reprise ici mot pour mot du récit n°85 : la tentation de ne pas enseigner, l’intervention de Brahmā Sahampati, la décision d’enseigner, à qui enseigner, la rencontre avec Upaka l’adjivique, le retour vers les 5 anciens compagnons, les retrouvailles, l’instruction de ces 5 moines).

… quand j’instruisais deux moines, les trois autres allaient collecter leur nourriture et nous subsistions tous les six de ce que ces trois moines rapportaient de leur collecte. Quand j’instruisais trois moines, les deux autres allaient collecter leur nourriture et nous subsistions tous les six de ce que ces deux moines rapportaient de leur collecte.

Alors que je les instruisais, moines, et que je les enseignais, les moines du groupe des cinq, eux qui avaient pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir, virent l’inconvénient de ce qui a pour nature de naître… de vieillir… de tomber malade… de mourir… de s’attrister… et de souffrir, et en recherchant le Non-né… le Sans-vieillesse… le Sans-maladie… l’Immortalité… le Sans-tristesse… le Sans-souffrance, la suprême Protection contre les liens, le Dénouement, ils l’atteignirent. Et ils eurent la connaissance et vision que leur délivrance était inébranlable, cette vie la dernière, et qu’il n’y aurait plus de nouvelle existence.

(Le Bienheureux va maintenant attirer l’attention des moines sur le fait qu’il n’y a pas que les laïcs qui recherchent les plaisirs sensoriels. Parmi les renonçants, ceux qui jouissent des objets licites sans contrôle et sans examen, Visud I 126, se livrent eux aussi à une quête impure)

Il y a, moines, cinq sortes de plaisirs sensoriels. Lesquelles ? Il y a les apparences perceptibles par l’œil, désirables, plaisantes, délicieuses, charmantes, tentantes, attachantes. Il y a les sons perceptibles par l’oreille… les odeurs perceptibles par le nez… les saveurs perceptibles par la langue… et les touchers perceptibles par le corps, désirables, plaisants, délicieux, charmants, tentants, attachants. Tels sont les cinq sortes de plaisirs sensoriels.

On trouve, moines, des ascètes et des brahmanes qui jouissent de ces cinq plaisirs sensoriels en y tenant, en s’y attachant, en s’y avilissant, sans en voir les inconvénients ni avoir la sagesse de leur échapper. Ils doivent savoir qu’ils se conduisent imprudemment, qu’ils vont à leur perte et que le Malin fera d’eux ce qu’il voudra.

Un chevreuil de la forêt, moines, qui est pris dans des filets doit savoir qu’il s’est conduit imprudemment, qu’il est allé à sa perte et que le chasseur fera de lui ce qu’il voudra. Quand viendra le chasseur, le chevreuil ne pourra pas s’enfuir comme il le voudrait. Il y a de même des ascètes et des brahmanes… qui vont à leur perte, et le Malin fera d’eux ce qu’il voudra.

Mais on trouve aussi, moines, des ascètes et des brahmanes qui bénéficient de ces objets des sens sans y tenir, sans s’y attacher, sans s’y avilir, mais en en voyant les inconvénients et en ayant la sagesse de leur échapper. Ils doivent savoir qu’ils se conduisent prudemment, qu’ils ne vont pas à leur perte et que le Malin ne fera pas d’eux ce qu’il voudra.

Un chevreuil de la forêt, moines, qui est couché sur des filets sans en être prisonnier doit savoir qu’il s’est conduit prudemment, qu’il n’est pas allé à sa perte et que le chasseur ne fera pas de lui ce qu’il voudra. Il y a de même des ascètes et des brahmanes… qui ne vont pas à leur perte, et le Malin ne fera pas d’eux ce qu’il voudra.

Un chevreuil de la forêt, moines, qui se déplace dans un vallon boisé avance sans crainte, reste debout sans crainte, s’assied sans crainte et se couche sans crainte. Pourquoi ? Parce qu’il ne se risque pas sur les terres du chasseur.

De même, moines, c’est seulement en s’isolant du sensoriel, en s’isolant des agents pernicieux, que le moine accède au premier jhāna… au deuxième jhāna… au troisième jhāna… au quatrième jhāna… au domaine de l’espace infini… au domaine de la conscience infinie… au domaine du néant… au domaine sans perception ni non-perception, et il y demeure. À chacune de ces étapes, on dit que ce moine aveugle Māra, qu’il empêche Māra de voir quoi que ce soit, qu’il échappe au regard du Malin et qu’il est passé au travers de l’attachement au monde.

Voir la formule complète : Formules fréquentes

De plus, moines, en transcendant totalement le domaine sans perception ni non-perception, le moine accède à l’arrêt des perceptions et du ressenti, il y demeure et il élimine les contaminations au moyen d’une vision sagace. On dit que ce moine aveugle Māra, qu’il empêche Māra de voir quoi que ce soit, qu’il échappe au regard du Malin et qu’il est passé au travers de l’attachement au monde.

Ainsi parla le Bienheureux.

Les moines furent satisfaits des paroles du Bienheureux et ils s’en réjouirent.

infos sur cette page

Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)

Date : Ve siècle avant notre ère

Traducteur : Christian Maës

Mise à jour : 25 févr. 2011