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Ainsi ai-je entendu.
En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jéta.
Là, le Bienheureux s’adressa aux moines :
— Moines !
— Oui, Maître, lui répondirent les moines.
Le Bienheureux leur dit ceci :
— Quand un vacher est affligé de onze défauts, moines, il est incapable de préserver son troupeau et de le faire prospérer. Quels défauts ? Ce vacher ne connaît pas les apparences (il ne connaît pas ses animaux, est incapable de voir que des vaches se sont enfuies ou que des étrangères se sont mêlées au troupeau, il perd définitivement les premières et ne gagne pas les autres, car leurs propriétaires viennent les chercher, son troupeau diminue et produit moins de lait), il n’est pas expert en marquage (des animaux), il ne retire pas les œufs d’insectes(*), il ne couvre pas les blessures (qui suintent et contaminent d’autres bêtes), il ne procède pas à des fumigations(**), il ne connaît pas les gués (il ne sait pas quel gué est sûr et lequel est dangereux, si les animaux risquent de s’y casser une patte, si le gué est trop profond, s’il y a des crocodiles ou d’autres prédateurs), il ne sait pas abreuver(***), il ne connaît pas les chemins (quel chemin est sûr, il pousse son troupeau sur un chemin dangereux, les vaches sont inquiètes à cause de l’odeur des fauves ou de la proximité de brigands, elles zigzaguent sans manger), il n’est pas expert en pâturages, il trait sans rien laisser (pour les veaux), et il n’honore pas assez les taureaux qui guident le troupeau en y jouant le rôle de pères. Quand un vacher est affligé de ces onze défauts, il est incapable de préserver son troupeau et de le faire prospérer.
* Quand un animal est blessé, des mouches noires viennent pondre dans les blessures. Si le vacher ne retire pas les œufs, les blessures s’agrandissent, les insectes entrent dans le ventre de la bête, laquelle s’affaiblit, mange et boit moins, fournit moins de lait et peut même en mourir.
** À la saison des pluies, il faut faire des fumigations la nuit dans les enclos pour écarter les insectes. Sinon, les bêtes ne peuvent dormir la nuit et se reposent le jour au lieu de brouter et de prospérer.
*** Quand il amène le troupeau au bord d’une rivière ou d’une mare, les bêtes les plus fortes entrent dans l’eau et boivent de l’eau claire autant qu’elles veulent, mais les autres restent près du bord et boivent de l’eau boueuse ou ne boivent rien. Par la suite, celles qui n’ont pas assez bu n’ont pas d’appétit et fournissent moins de lait.
De même, moines, quand un moine présente onze travers, il est incapable de croître dans ce Dhamma-vinaya, d’y prospérer et de s’y épanouir. Quels travers ? Ce moine ne connaît pas les apparences, il n’est pas expert en marquage, il ne retire pas les œufs d’insectes, il ne couvre pas les blessures, il ne procède pas à des fumigations, il ne connaît pas les gués, il ne sait pas s’abreuver, il ne connaît pas le chemin, il n’est pas expert en pâturages, il trait sans rien laisser, et il n’honore pas assez les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères.
De quelle façon, moines, le moine ne connaît-il pas les apparences ? Ce moine ne sait pas avec sagacité que toute apparence physique, quelle qu’elle soit, n’est en réalité rien d’autre que les quatre grands éléments et le physique associé aux quatre grands éléments. Voilà comment ce moine ne connaît pas les apparences.
De quelle façon, moines, le moine n’est-il pas expert en marquage ? Ce moine ne sait pas avec sagacité quelles actions sont la marque de la sottise et quelles actions sont la marque de la sagesse. Voilà comment ce moine n’est pas expert en marquage.
De quelle façon, moines, le moine ne retire-t-il pas les œufs d’insectes ? Ce moine se complaît dans les saisies mentales d’objets désirables… dans les saisies mentales d’objets d’aversions… dans les saisies mentales d’objets de violence… dans les agents mauvais et pernicieux qui reviennent encore et toujours, il ne les élimine pas, ne les chasse pas, n’y met pas fin et ne les anéantit pas. Voilà comment ce moine ne retire pas les œufs d’insectes.
De quelle façon, moines, le moine ne couvre-t-il pas les blessures ? Quand il voit une apparence visible avec l’œil… quand il entend un son avec l’oreille… quand il sent une odeur avec le nez… quand il goûte une saveur avec la langue… quand il sent un toucher avec le corps… quand il connaît un connaissable avec la faculté de connaître, ce moine en saisit le signe principal et les détails révélateurs qui permettent à la convoitise, à l’insatisfaction et à d’autres agents mauvais et pernicieux de l’envahir aussi longtemps que ses facultés restent incontrôlées. Il ne s’engage pas dans ce contrôle, il ne protège pas ses facultés et ne se consacre pas au contrôle de ses facultés. Voilà comment ce moine ne couvre pas les blessures.
De quelle façon, moines, le moine ne procède-t-il pas à des fumigations ? Ce moine n’enseigne pas en détail aux autres le Dhamma tel qu’il l’a entendu et appris. Voilà comment ce moine ne procède pas à des fumigations.
De quelle façon, moines, le moine ne connaît-il pas les gués ? Ce moine approche de temps à autre les moines qui ont beaucoup entendu, qui ont reçu la tradition, qui détiennent le Dhamma, le vinaya et les mātika (les « matrices », ou résumés, que l’on trouve en particulier dans l’Abhidhamma). Mais il ne les questionne pas, ne leur demande pas : « Comment comprendre ceci, seigneur ? Quel est le sens de cela ? » Les vénérables ne lui dévoilent donc pas ce qui lui est voilé, ne l’éclairent pas sur ce qui lui reste obscur et ne chassent pas ses doutes relatifs aux points qui lui causent des doutes (il ne connaît donc pas le gué, cet enseignement qui permet d’atteindre le but en traversant les flots). Voilà comment ce moine ne connaît pas les gués.
De quelle façon, moines, le moine ne sait-il pas s’abreuver ? Quand on lui enseigne le Dhamma-vinaya proclamé par le Tathāgata, ce moine n’arrive pas à en comprendre le sens, il n’arrive pas à en comprendre la formulation et il n’acquiert pas la joie qui accompagne la formulation. Voilà comment ce moine ne sait pas s’abreuver.
De quelle façon, moines, le moine ne connaît-il pas le chemin ? Ce moine ne connaît pas avec sagacité, dans sa réalité, l’octuple chemin immaculé. Voilà comment ce moine ne connaît pas le chemin.
De quelle façon, moines, le moine n’est-il pas expert en pâturages ? Ce moine ne connaît pas avec sagacité, dans leur réalité, les quatre vigilances (satipaṭṭhāna). Voilà comment ce moine n’est pas expert en pâturages.
De quelle façon, moines, le moine trait-il sans rien laisser ? Quand des maîtres de maison offrent avec confiance les affaires vitales – robes, nourriture, logement ou médicaments –, ce moine les accepte sans connaître la mesure (il prend tout, même ce dont il n’a pas besoin). Voilà comment ce moine trait sans rien laisser.
Et de quelle façon, moines, le moine n’honore-t-il pas assez les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères ? Ce moine n’agit pas amicalement envers eux, ne parle pas d’eux amicalement ou ne pense pas à eux amicalement, que ce soit ouvertement ou de façon cachée. Voilà comment ce moine n’honore pas assez les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères.
Quand un moine présente ces onze travers, il est incapable de croître dans ce Dhamma-vinaya, d’y prospérer et de s’y épanouir.
Quand à l’inverse, moines, un vacher a onze qualités, il peut préserver son troupeau et le faire prospérer. Quelles qualités ? Ce vacher connaît les apparences, il est expert en marquage, il retire les œufs d’insectes, il couvre les blessures, il procède à des fumigations, il connaît les gués, il sait abreuver, il connaît les chemins, il est expert en pâturages, il trait en laissant quelque chose, et il honore beaucoup les taureaux qui guident le troupeau en y jouant le rôle de pères. Quand un vacher a ces onze qualités, il peut préserver son troupeau et le faire prospérer.
De même, moines, quand un moine a onze qualités, il peut croître dans ce Dhamma-vinaya, y prospérer et s’y épanouir. Quelles qualités ? Ce moine connaît les apparences, il est expert en marquage, il retire les œufs d’insectes, il couvre les blessures, il procède à des fumigations, il connaît les gués, il sait s’abreuver, il connaît le chemin, il est expert en pâturages, il trait en laissant quelque chose, et il honore beaucoup les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères.
De quelle façon, moines, le moine connaît-il les apparences ? Ce moine sait avec sagacité que toute apparence physique, quelle qu’elle soit, n’est en réalité rien d’autre que les quatre grands éléments et le physique associé aux quatre grands éléments. Voilà comment ce moine connaît les apparences.
De quelle façon, moines, le moine est-il expert en marquage ? Ce moine sait avec sagacité quelles actions sont la marque de la sottise et quelles actions sont la marque de la sagesse. Voilà comment ce moine est expert en marquage.
De quelle façon, moines, le moine retire-t-il les œufs d’insectes ? Ce moine ne se complaît pas dans les saisies mentales d’objets désirables… dans les saisies mentales d’objets d’aversions… dans les saisies mentales d’objets de violence… dans les agents mauvais et pernicieux qui reviennent encore et toujours, il les élimine, les chasse, y met fin et les anéantit. Voilà comment ce moine retire les œufs d’insectes.
De quelle façon, moines, le moine couvre-t-il les blessures ? Quand il voit une apparence visible avec l’œil… quand il entend un son avec l’oreille… quand il sent une odeur avec le nez… quand il goûte une saveur avec la langue… quand il connaît un connaissable avec la faculté de connaître, ce moine n’en saisit pas le signe principal ni les détails révélateurs qui permettraient à la convoitise, à l’insatisfaction et à d’autres agents mauvais et pernicieux de l’envahir aussi longtemps que les facultés restent incontrôlées. Il s’engage dans ce contrôle, protège ses facultés et se consacre au contrôle de ses facultés. Voilà comment ce moine couvre les blessures.
De quelle façon, moines, le moine procède-t-il à des fumigations ? Ce moine enseigne en détail aux autres le Dhamma tel qu’il l’a entendu et appris. Voilà comment ce moine procède à des fumigations.
De quelle façon, moines, le moine connaît-il les gués ? Ce moine approche de temps à autre, les moines qui ont beaucoup entendu, qui ont reçu la tradition, qui détiennent le Dhamma, le vinaya et les mātikas. Il les interroge et leur demande : « Comment comprendre ceci, seigneur ? Quel est le sens de cela ? » Les vénérables lui dévoilent donc ce qui lui était voilé, l’éclairent sur ce qui lui restait obscur et chassent ses doutes relatifs aux points qui lui causaient des doutes. Voilà comment ce moine connaît les gués.
De quelle façon, moines, le moine sait-il s’abreuver ? Quand on lui enseigne le Dhamma-vinaya proclamé par le Tathāgata, ce moine arrive à en comprendre le sens, il arrive à en comprendre la formulation et il acquiert la joie qui accompagne la formulation. Voilà comment ce moine sait s’abreuver.
De quelle façon, moines, le moine connaît-il le chemin ? Ce moine connaît avec sagacité, dans sa réalité, l’octuple chemin immaculé. Voilà comment ce moine connaît le chemin.
De quelle façon, moines, le moine est-il expert en pâturages ? Ce moine connaît avec sagacité, dans leur réalité, les quatre vigilances. Voilà comment il est expert en pâturages.
De quelle façon, moines, le moine trait-il en laissant quelque chose ? Quand des maîtres de maison offrent avec confiance les affaires vitales – robes, nourriture, logement ou médicaments –, ce moine sait dans quelle mesure il peut les accepter. Voilà comment ce moine trait en laissant quelque chose.
Et de quelle façon, moines, le moine honore-t-il beaucoup les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères ? Ce moine agit amicalement envers eux, parle d’eux amicalement et pense amicalement à eux, que ce soit ouvertement ou de façon cachée. Voilà comment ce moine honore beaucoup les moines confirmés qui le sont depuis longtemps et qui guident la communauté en y jouant le rôle de pères.
Quand un moine a ces onze qualités, il peut croître dans ce Dhamma-vinaya, y prospérer et s’y épanouir.
Ainsi parla le Bienheureux.
Les moines furent satisfaits des paroles du Bienheureux et ils s’en réjouirent.
Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)
Date : Ve siècle avant notre ère
Traducteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011